vendredi 20 juin 2014

Sarn de Mary Webb

Petite pensée pour Louisa et Jo à la lecture de la vibrante histoire de Prue Sarn...

(Norman Rockwell)

Là-dessus, je courus au grenier où je pleurai longuement. Mais le calme et la solitude du lieu finirent par me réconforter. J'ouvris le volet qui donnait sur le verger et au bas duquel un grand poirier était dressé en espalier ; puis je sortis un tricot de mon réticule. (...) 
Je m'étais assise et je regardais les arbres verts, en humant l'odeur de notre foin apportée par la brise, odeur à laquelle se mêlait le parfum des églantines et des reines-des-prés fleuries sur les talus du verger. Je prêtais l'oreille au chant des merles proches ou lointains ; quand ils étaient loin, on pouvait à peine distinguer leur chant de celui des autres oiseaux, grives, roitelets, chardonnerets, mésanges, pinsons et bruants qui formaient un cercle magique. C'était un tissage fait à l'aide de nombreux fils et d'un maître fil d'or clair, musique très apaisante à entendre.
L'amour était peut-être ainsi, me disais-je, un assemblage de fils de toutes couleurs avec un maître fil d'or pur.
Le grenier touchait au chaume, et des nids nombreux s'étaient établis sous le rebord du toit d'où s'échappait l'incessant gazouillis des hirondelles. La fenêtre de ce grenier s'ouvrait dans un grand pignon et le toit descendait d'un côté jusqu'au sol, portant à son sommet une haute cheminée. Dans un coin des chevrons était caché un nid d'abeilles sauvages dont on entendait le doux murmure et qu'on voyait, matin et soir, aller boire en file à l'étang. A ce moment, le calme était si parfait, le verger au-dehors si vide, à part l'ombre claire des pommiers, si vides aussi les prés voisins, puisque Gédéon faisait les meules dans le dernier champ où j'aurais dû être à l'aider, qu'il me vint je ne sais d'où un sentiment de douceur pluis puissant que je n'en avais jamais éprouvé. Cela n'avait rien de religieux comme le bien que peut faire un texte entendu au prêche. C'était plus profond encore. On eût dit q'un être éblouissant venu de très loin, avait soudain envahi mon cœur. Tout prenait un autre aspect, plus clair, plus beau, comme il arrive parfois dans ces matins brillants qui succèdent à la pluie et font dire : "la journée est belle, le coucou va monter au ciel."

(extrait de Sarn de Mary Webb, Grasset, p.72)

5 commentaires:

  1. C'est un livre et une histoire d'amour magnifique.....je traîne ce livre depuis mon adolescence...ce fut aussi un film télévisé de Claude Santelli joué par une actrice magnifique dans ce rôle, Dominique Labourier...voir I.N.A en noir et blanc bien-sûr..Merci encore Charline d'être allée sur le chemin des belles choses...nad

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  2. J'ai justement téléchargé le film sur le site de l'INA il y a quelques semaines. J'ai hâte de le découvrir!
    Tu recevras bientôt un petit courrier, Nadine. ;-)

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  3. Ce billet m'avait échappé!!! Je veux lire cette auteure. Mais elle n'a pas l'air facile à trouver! L'extrait que tu nous présentes est magnifique. Je vais quand même faire mes petites recherches.

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  4. Milly, tu trouveras "Sarn" aux éditions Grasset (les cahiers rouges). C'est un roman magnifique qui m'a fait penser à l'univers des soeurs Brontë. Mary Webb a également écrit "La renarde" qu'il me tarde de découvrir!
    Merci de ton passage! C'est toujours un plaisir de te lire. :)

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  5. Mais oui!! Je peux même l'emprunter à la grande bibliothèque et je peux le commander en ligne à ma librairie. Mais, je dois justement passer à la bb cette semaine, donc je vais l'emprunter. J'ai hâte de le lire. :)

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